Sommeil et grossesse : rencontre avec le Docteur Nathalie Aisenberg

Sommeil / Conseils

Durant leur grossesse, de nombreuses femmes souffrent de troubles du sommeil. Les causes sont d’abord biologiques, car le corps subit de nombreux bouleversements au cours de ces neuf mois si particuliers. Elles peuvent aussi être psychiques, à cause du stress et de toutes les questions que soulèvent l’arrivée d’un bébé.

Pourtant, alors que bien dormir est essentiel pendant la grossesse, ces troubles sont très  souvent ignorés… On fait le point avec le Docteur Nathalie Aisenberg, attachée à l’Hôtel-Dieu de Paris en médecine du sommeil.

Bonjour Docteur Aisenberg. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous et votre parcours ?

J’ai débuté mon internat par la gynéco-obstétrique, car j’étais très intéressée par la partie obstétrique. J’ai ensuite bifurqué vers l’ORL, spécialité médico-chirurgicale couvrant de nombreux domaines. J’ai ainsi pu me spécialiser dans les explorations fonctionnelles, la médecine de plongée, le médico-légal, mais également l’allergologie et surtout le sommeil.

La médecine du sommeil occupe maintenant une très grande partie de mon activité et je la décline dans les différentes tranches d’âge que je suis amenée à voir en consultation. Pendant cinq ans, j’ai réalisé les dépistages auditifs chez les nouveau-nés en maternité, ce qui m’a permis de me resensibiliser à cette période très particulière de la vie des femmes.

Et puis, j’ai également eu la chance d’avoir trois enfants et de mieux en comprendre les difficultés…

Vous avez animé au Congrès 2018 des JPRS un atelier intitulé « Sommeil & Grossesse ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

En parlant avec des mamans, je me suis rapidement rendue compte que les troubles du sommeil ne faisaient pas du tout partie de l’interrogatoire du suivi de grossesse, bien qu’ils soient extrêmement fréquents. Cela ne m’a que peu surprise, dans la mesure où les troubles du sommeil ont longtemps été mis de côté en médecine générale : jusqu’à peu, mal dormir était plus considéré comme une fatalité que comme une pathologie. Alors que dans la plupart des cas, elle peut être prise en charge ! 

Mais pendant la grossesse, les troubles du sommeil peuvent avoir des conséquences assez lourdes. On peut notamment souffrir de troubles respiratoires comme le syndrome d’apnée obstructive du sommeil ou du syndrome des jambes sans repos, tous deux entrainant un important fractionnement du sommeil. On peut aussi retrouver des troubles anxieux voire dépressifs importants pouvant se traduire par de l’insomnie. Tout ceci augmente le risque d’accouchement prématuré et de dépression post-partum, et plus grave, d’hypertension gravidique pouvant aboutir à une pré-éclampsie mettant en jeu le pronostic vital de la maman et du nourrisson, ainsi que de diabète gestationnel. L’épuisement dû à un mauvais sommeil, quelle qu’en soit la cause, peut donc avoir des répercussions non négligeables sur la qualité de la grossesse, la croissance du fœtus et les suites de l’accouchement.

Le but de cet atelier est donc de sensibiliser les professionnels de toutes les spécialités prenant en charge les troubles du sommeil, ainsi que de celles prenant en charge les femmes enceintes. Nous avons tous un rôle à jouer dans ce dépistage précoce permettant de mener à bien la grossesse et de voir arriver une femme le plus en forme possible à son accouchement, et non plus déjà épuisée comme c’est bien trop souvent le cas…

Quelles actions avez-vous mis en place auprès des professionnels de santé intervenant durant la grossesse ?

Depuis plus de trois ans, j’essaie de sensibiliser le personnel des spécialités concernées en organisant des formations auprès des obstétriciens en maternité et des intervenants en PMI. Et même lors de mes présentations plus générales sur le syndrome d’apnée du sommeil, je fais toujours un point sur ses dangers durant la grossesse !

J’ai aussi fourni les quelques questions de dépistage des troubles du sommeil à poser lors des consultations de suivi aux obstétriciens de ma clinique et depuis, ces derniers m’adressent régulièrement et même précocement les femmes enceintes à la moindre suspicion de ces troubles : dans la grande majorité des cas, la prise en charge est justifiée et la fin de grossesse de ces femmes s’en trouve transformée.

Cette vigilance doit vraiment se généraliser, il est tout de même inconcevable de répondre à une femme enceinte qui dit mal dormir que cela s’arrangera après l’accouchement…

Merci à vous, Docteur AIsenberg, pour cette mise en lumière des troubles du sommeil durant la grossesse et pour nous rappeler à toutes et tous que des solutions existent !

(Propos recueillis par Céline Auzou)

Rappelons donc que si vous êtes enceinte et que vous souffrez de troubles du sommeil, il est important d’en parler sans tarder à un professionnel de santé. Celui-ci pourra vous aider à surmonter ces difficultés ou tout du moins vous réorienter vers un médecin spécialisé. Bien reposée, vous vivrez d’autant mieux ce moment privilégié et serez en meilleure forme pour accueillir votre nouveau-né… car ne comptez pas trop sur les premiers mois avec bébé pour récupérer !